lundi 19 octobre 2009

Écologie urbaine: les fourmis 2


le mur des Carmélites en 2004, l’oxalide en fruit

Tout d’abord vous constatez la fréquence...différente...de mes messages. D’un côté les feuilles tombent...les plantes s’en vont dormir et les saisons se bousculent, et de l’autre j’ai quelques autres occupations...Mais je continuerai néanmoins mon ministère de la mauvaise herbe! D’une façon ou d’une autre donc, il y aura moins de messages sur Flora Urbana et je conseille fortement à ceux qui ne l’ont pas encore fait de prendre un abonnement RSS, vous serez ainsi automatiquement prévenu de tout nouveau message. Il y aura toujours un autre printemps!

Et maintenant, les fourmis...

Depuis 2004 j’ai documenté la flore qui s’installait sur le haut mur de pierre grise du cloître des Carmélites. J’utilise le passé...parce que la muraille a été entièrement refaite, restaurée, et ce travail s’est même mérité un prix. On a pourtant fait disparaître un habitat si intéressant! C’est aussi un sujet d’étude fascinant qu’on m’a ainsi retiré... Flora Urbana retire de facto le prix d’excellence de la pierraille remaçonnée! On a le bras long...

Les “vieux” murs de pierres sont assez rares à Montréal...on pourrait pas en laisser au moins un se ruiner lentement toute en verdure?



le diplotaxe est un vrai spécialiste des murs


Et maintenant, les fourmis...(!)

Regardant donc ces plantes installées jusqu’à 4 m de haut je me demandais comment expliquer cette escalade. Certaines plantes ont tout ce qu’il faut pour voler, pensez aux graines de toutes ces Astéracées (pissenlits et cie.) avec leurs déclinaisons du parachute. D’autres ont des graines assez petites pour être emportées par le vent, même si elles n’ont pas d’adaptations spécifiques sauf justement cette petite taille...Mais il y avait toujours quelques espèces dont l’explication de l’enracinement au-dessus du sol (hors-sol, extra-terrestre?) m’échappait.


L’oxalide (Oxalis stricta, european wood-sorrel, p.235) est une plante commune des trottoirs et elle a des fruits explosifs qui lancent les graines à plus d’un mètre. Peut-être a-t-elle avec cette balistique l’aptitude de s’installer sur le mur à partir du sol et de pouvoir s’y maintenir. D’année en année, d’explosions en explosions elle grimpe peut-être un peu plus haut? Elle s’y est maintenue en tout cas.



comme une ortie des murs

La pariétaire de Pennsylvanie (Parietaria pensylvanica, Pennsylvania pellitory, p.275) est tout à fait notre équivalent de la pariétaire officinale (Parietaria officinalis) que l’on trouve en Europe et autour de la Méditerranée. C’est une plante commune des grands murs qui entourent les couvents. Il est intéressant de rappeler son nom commun là-bas: l’herbe aux nonnes. Et voici que de ce côté de l’Atlantique, notre propre herbe aux nonnes s’est installée sur un de nos rares murs de pierres...chez les nonnes Carmélites. La plante est couverte de poils courbés, courts et rudes qui la rendent attachante: elle se colle en s’accrochant à la pierre. La tige, les pétioles et les fruits sont ainsi velus mais je ne pas vérifier ce caractère chez les graines. La plante peut donc très bien croître sur un mur: elle s’y fixe efficacement. Mais, à l’origine, comment les graines se sont-elles trouvées là? D’elle-même? Ou aidées par le vent? Probable que ce soient les fourmis.



les fourmis sèment le diplotaxe


Celle-ci est une autre spécialiste des murs de pierres: Diplotaxis muralis (diplotaxe des murs, annual wall-rocket, p.157) de la famille des Brassicacées (famille de la moutarde). C’est une plante européenne. Ici pas de fruit explosif, pas de poils qui l’aident à se fixer et se maintenir entre les pierres. J’essaierai de trouver ses graines: éléosomes ou pas c’est certainement une plante myrmécochorique.

Pour qu’une graine soit intéressante chaque espèce de fourmis a ses préférences et une échelle de grandeur est fixée: une graine trop petite n’est pas considérée comme nourriture et est délaissée. Au-delà d’une certaine dimension elle sont trop grandes et embarrassantes à déplacer. En ce qui regarde les éléosomes certaines fourmis ont même l’aptitude de faire des ratios optimisés! Si la proportion entre la dimension d’un eléosome et la graine qui l’a produit est trop basse ça ne les intéresse pas! Ce serait comme s'encombrer d’un boeuf entier pour ne consommer que la queue! Les fourmis travaillent mais elles travaillent toujours efficacement.



une poacée, l’herbe à chat et un silène enflé

Ces cas ne démontrent pas tous clairement la myrmécochorie. Mais il y a assez d’indications que ce soient les fourmis qui sont les responsables de ces jardins suspendus. Curieusement si on faisait un inventaire complet des plantes d’une muraille, des dimensions de leurs graines et de la présence ou non d’éléosomes ont pourrait avoir une très bonne idée de l’espèce (ou des espèces) responsables de ce jardin vertical. Patrick Blanc se réclame de droits d’auteur pour son invention du “mur végétal”. J’espère qu’il en verse un partie aux fourmis...

Un projet d’étude de l’écologie urbaine pour l’été prochain...si on arrête de tout restaurer! J'y reviens d'ici quelques jours.







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