mercredi 4 novembre 2009

Écologie urbaine: les fourmis 3


une potentille dans le jardin suspendu des fourmis

Je reviens une dernière fois sur le cas intéressant de la florule (flore particulière d’un petit milieu) des murs de pierre. Comme je le mentionnais j’ai fréquemment visité ce haut mur des Carmélites. Presqu’à chaque fois j’y trouvais de nouvelles plantes. Certaines étaient d’abord arrivées au pied du mur puis l’année suivante je pouvais les voir à quelques décimètres du sol ou beaucoup plus haut. Au-delà de savoir comment les graines de ces plantes se retrouvent sur le mur par le vent (anémochorie) ou les fourmis (myrmécochorie) il y a la question de savoir comment les plantes s’y maintiennent jusqu’à la floraison. L’humidité dans l’épaisseur du mur est assurée par des infiltrations d’eau. C’est ce qui explique aussi la restauration complète de la muraille!

Si certaines plantes produisent des graines ailées ou assez petites pour être portées par le vent d’autres sont probablement plutôt transportées par les fourmis qui avaient des nids et des réserves (des greniers) dans la muraille. Les fourmis ne prennent pas seulement les graines pourvues de ce bourrelet nutritif et attractif qu’est l’éléosome mais de nombreuses autres graines. En autant que la graine soit de dimension adaptée à leurs mandibules et comestible, les fourmis s’en occuperont.




les tiges se collent au mur

Il n’est pas toujours facile d’expliquer ces semis escaladeurs. Le vent en est responsable dans beaucoup de cas chez les Poacées (Graminées) dont les petites graines sont adaptées à ce mode de dissémination. De nombreuses graminées ont des adaptations pour les escarpements: cette façon de pousser collé sur les pierres en est une. Les fourmis s’intéressent par ailleurs aux graines de ces plantes même si elles ne portent pas toujours d’éléosomes. Il y a des fourmis granivores. Les individus de cette famille étaient les plus nombreux sur le mur. Pas étonnant: ces plantes ont deux mode de dissémination à leur service, le vent et les fourmis.




ces Astéracées ont-elles des éléosomes?

Il en va probablement de même pour les Astéracées, la plupart s’installant sur les murs au hasard du vent qui les poussent. L’adaptation pour le vol est ici plus évidente (les “parachutes” comme chez le pissenlit) que chez les Poacées. En terme de diversité (le nombre d’espèces différentes) et de fréquence (le nombre d’individus) cette famillle vient après les Poacées. Certaines espèces d’Astéracées ont des éléosomes (les centaurées par exemple). Pour celles que j’ai trouvé la vérification attendra l’année prochaine.



de la famille du Poinsettia

Certaines familles de plantes sont connues pour avoir cette relation particulière avec les fourmis, la myrmécochorie. Les Euphorbiacées sont de celles-ci. La ricinelle rhomboïde (Acalypha virginica, Virginia threeseed mercury, p.193) n’a été aperçue qu’une fois sur le mur, mais il n’y en avait pas beaucoup aux alentours pour offrir des graines aux fourmis.



une autre euphorbe bien familière


L’euphorbe maculée (Chamaesyce maculata, hairy-fruited spurge, p.194) est peut-être moins étonnant: cette plante s’accomode des endroits xériques comme le ballast des chemins de fer. Euphorbia helioscopia est aussi une des plantes de la famille qui intéresse les fourmis: il m’est déjà arrivé de la voir sur des murs. Si la météo le permet j’irai chercher des graines de ces plantes afin de constater si elles ont justement des éléosomes.



herbe à chat des murailles


Ci-haut cette Nepeta cataria (herbe à chat, catnip, p.218) d’une famille (Lamiacées) aux nombreuses espèces myrmécochores. Ces graines sont minuscules mais il faudra ici aussi les observer de plus près. À quelques reprises j’ai aussi observé l’agastache fenouil poussant sur des murs.



la fougère aurait fait un beau micro-paysage, dommage!

La fougère ne produit pas de graines, elles ne produit que ces minuscules spores qui ne sont d’aucun intérêt pour les fourmis. C’est le vent ici qui est les semeur de fougères. La présence de la plante était une indication de l’état du mur: les infiltrations d’eau permettait à la fougère d’y vivre et annonçaient des travaux de réfection! Quel dommage: le mur commençait à murir...et c’était parfait pour la flore qui s’y installait en tout cas! À droite une Fabacée, la luzerne lupuline, une espèce d’une famille myrmécochore. Les graines de la vesce jargeau ont des éléosomes.



silène des enfants et des fourmis


Cette plante n’est en fait qu’à une quarantaine de centimètres du sol, mais je l’ai trouvé à quelques reprises bien plus haut. Ce n’est donc probablement pas un simple cas d’anémochorie et les fourmis en seraient les responsables. L’espèce colonise le pied du mur depuis bien longtemps et il est évident que les pigeons raffolent de ses graines minuscules.

J’aurai une attention particulière pour la myrmécochorie l’été prochain. La recherche de bons vieux murs bien murs et l’étude des plantes que j’y trouverai nous fera un peu mieux connaître cet aspect méconnu de l’écologie urbaine.



Aucun commentaire:

Publier un commentaire