jeudi 7 avril 2011

Au crépuscule, l'engoulevent

Photos: Emily Pipher  

On l'entend bien plus souvent qu'on ne le voit l’engoulevent d'Amérique (Chordeiles minor, common nighthawk). À tous les étés depuis que j'habite ce même immeuble, les soirées sont ponctuées du singulier cri de l'engoulevent. Il y a déjà eu deux couples mais maintenant un seul couple niche dans les environs et c'est sûrement sur cet édifice de l'autre côté de la rue. Ce dernier est plus élevé que ses voisins avec un toit goudronné, couvert de gravier. Les drôles d'oiseaux que sont les engoulevents nichent à même cet artificiel sol gravelleux sans aucune construction, aucun ajout de matériau. La couleur et le camouflage des oeufs et des petits assurant une certaine protection.

À tous les soirs le soleil se couche et les oiseaux se mettent en chasse des insectes. Le plan de vol est toujours le même et c'est une ronde d'inspection de quelques "bancs de pêche" avec des virages en épingle au-dessus de la ruelle. Un vol rapide et saccadé et des plongeons soudains: ils sont d'excellents gobe-moustiques et à les entendre ils ne chassent pas longtemps pour satisfaire leurs besoins. Avant la levée du jour il s'y remettent encore une fois.




Il était devenu un oiseau commun en milieu urbain, la technique et les matériaux utilisés pour couvrir le toit des maisons et édifices de toutes sortes l'ayant favorisé depuis le milieu du 19e siècle. L'espèce est maintenant en déclin un peu partout en Amérique du Nord. Comme toujours dans ces cas (pensez aux abeilles) les causes sont multiples et interagissent : les pesticides, la perte d'habitats, prédations par les chats féraux, etc. Dans le cas de "mes" engoulevents les chats ne peuvent atteindre le toit en question (heureusement!) mais les écureuils, les corneilles et corbeaux le peuvent et n'hésiteraient pas devant des oeufs d'oiseaux ou même des oisillons sur le plat...



Une recette simpliste pour contrer les îlots de chaleur: un toit blanc. Photo La Métropole
 
L'espèce est en déclin dans nos villes. La principale explication de ce déclin est le changement des techniques et des matériaux pour couvrir les toits. Nous passons du gravier à toutes sortes de membranes synthétiques. C'est un facteur nouveau avec une influence majeure sur la nidification des engoulevents. Le hasard de nos choix de matériaux l'avait favorisé au 19e siècle. Nos choix actuels le pousseront-ils hors de la ville? Il ira où? 

Oiseau crépuculaire, volant, plongeant dans le noir l'engoulevent qui niche dans le gris ne peut s'accomoder des toits blancs! Ceux-ci sont une recette simpliste pour contrer les îlots de chaleur. Ces membranes blanches n'offrent plus aucun camouflage aux petits et aux oeufs qui roulent sur cette surface lisse...
À Montréal l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie a adopté un règlement forçant les propriétaires à installer des toits blancs quand ils effectuent la réfection de leur toit ou construisent un nouveau bâtiment. Cette mesure est même présentée comme écologique parce qu'elle accumule moins la chaleur que les toits traditionnels et participe ainsi à la lutte contre la chaleur urbaine des quartiers denses.



Un micro-site de ponte. Photo Project Nighthawk

Partout dans le Nord-Est de l'Amérique du Nord les populations de l'engoulevent d'Amérique sont en déclin. Il est par exemple sur la Liste d'espèces de la faune ménacées ou vulnérables au Québec. Les toits blancs sont écologiques… pour qui?

La Société Audubon du New Hampshire coordonne un projet simple afin d'étudier et de rémédier à cette situation difficile pour un espèce menacée: l'installation de sites artificiels sur les toits publics et privés.

Voyez ici le Project Nighthawk

Trouvez ici des modèles de micro-sites

The Metropolitan Field Guide a un article et un interview sur ce projet

Téléchargez aussi ce document (PDF) sur les micro-sites de gravier


Évidemment l'incorporation de pareils micro-sites dans les futurs toits verts est à recommander. Une ville verte sans engoulevents serait bien triste et aura bien trop de moustiques...

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