samedi 13 avril 2013

Ilha do Corvo et ses chats...


Les hommes ont oublié cette vérité. Mais tu ne dois pas l'oublier, dit le renard. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Le Petit Prince.
 


Sommet de Corvo. Photo: Jorge Francisco Martins de Freitas


L'île de Corvo (Île du Corbeau) est la plus petite île de l'archipel des Açores. Les Portuguais ont colonisé cette île il y a environ 500 ans. Elle est la plus au nord de l'archipel et repose sur la plaque continentale de l'Amérique du Nord. L'archipel des Açores est en fait né de la rencontre de la plaque européenne et de la plaque nord-américaine. La majorité des Portuguais de mon quartier viennent de ces îles. Ils y avaient en quelque sorte déjà un pied ou deux: c'étaient déjà des Américains.




Étonnant de découvrir que l'île est envahie par Hydrangea macrophylla. Photo: Wikipedia


L'écologie de l'île de moins de 18 km2 a évidemment été modifiée et la végétation d'origine est en bonne partie disparue suite à l'introduction de petits mammifères (souris, rats et chats) et surtout l'élevage du mouton pour la laine. Mais la végétation n'est pas seule à reculer.



Le Puffin cendré. Photo: Wikipedia


L'oiseau de mer le Puffin cendré (Calonectris diomedea), une espèce en déclin, a des colonies et d'importants sites de nidification sur l'île.


Une étude de 2012* sur Corvo a fait le suivi de l'impact des prédateurs (souris, rats et chats) sur six colonies de l'oiseau pendant trois ans. Il n'y a pas de grande surprise: le chat est le plus important prédateur. Les oiseaux n'ont aucun comportement d'évitement de ce félin… ils ne se sont pas encore adaptés à cette nouvelle situation (quelques centaines d'années, c'est court pour une pareille évolution adaptive…). Sur l'île (comme ailleurs) le chat est un prédateur soutenu, soigné et… adoré! Aucun prédateur ne fait pression sur ses populations. À coup sûr le chat est une espèce exotique dangereuse pour un oiseau. Et quand il s'agit d'une espèce en déclin il faut probablement agir.




Quittons notre insularité écologique. Photo: Wikipedia.


Retirer les chats de bien des îles est nécessaire mais il faut y aller prudemment. Les rats aussi ont une prédation des oeufs et des oisillons et on imagine bien le difficile mais nécessaire synchronisme… Retirer les chats ferait exploser la population de rats. Paradoxalement dans l'état actuel les rats ont un effet bénéfique sur les oiseaux: les chats s'en prennent d'abord à eux... Néanmoins le chat demeure le prédateur numéro un des oiseaux sur Corvo, ne vous y trompez pas!






"C'est la nature!" me répond-t-on toujours quand je parle de la prédation inutile et évitable du chat en milieu urbain (ou sur Corvo). Le chat domestique est une "création" humaine, essentiellement sélectionné à l'origine** comme machine à contrôler les rongeurs. Le chat, c'est la nature? Il faut certainement alors raffiner notre définition de nature… afin d'inclure les autres machines agricoles. Il faut surtout étudier la place du chat dans l'écologie urbaine avec des théories vérifiables. Une théorie assez performante est la "mesopredator release hypothesis" (MRH). En une phrase cela prédit qu'en l'absence d'un grand prédateur (disons: loup, coyote… chien…) les prédateurs moyens (méso-prédateurs) comme le chat ont le champ libre de se reproduire. Et de s'en prendre sans gêne à leurs proies. 


Ce grand prédateur (on dit: "superprédateur") est ordinairement absent de notre milieu. On a chassé le loup depuis longtemps (même si le coyote se pointe...) et on a introduit le chat domestique. Il serait pourtant "naturel" qu'un superprédateur y soit présent… n'est-ce pas? Si on laissait nos chiens libres de vivre, se reproduire et chasser dehors? Tout le monde qui aime la nature serait content, non? Les propriétaires de chats, non… les oiseaux, oui!


Vous êtes responsables de la prédation des oiseaux par votre chat. Gardez-le dans la maison, vous n'êtes pas agriculteur!




*Hervías, S., A. Henriques, N. Oliveira, T. Pipa, H. Cowen, J. A. Ramos, M. Nogales, P. Geraldes, C. Silva, R. Ruiz de Ybáñez & S. Oppel. 2012. Studying the effects of multiple invasive mammals on Cory’s shearwater nest survival. Biological Invasions, DOI 10.1007/s10530-012-0274-1

**pour le amateurs de chat: je précise "à l'origine". Je suis poli, soyez-le!

Quelques liens:

Multiple Predators on Corvo Island (merci pour la citation du Petit Prince)


2 commentaires:

  1. Bonsoir Roger,
    Le rêve à l'état pur, des photos magnifiques et un texte qui suit bien !
    Je vous félicite pour ce somptueux travail.
    Bravo !
    Bonne soirée et bon dimanche !
    A bientôt !
    Cordialement
    Floralie

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  2. @Floralie: Merci, je suis bien content que vous ayez apprécié. Je ne reçois pas toujours des avis comme le vôtre sur ce sujet félin. Bon weekend!

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